GéoMaths
Géographie et mathématiques
Axe Société
Mathématiques
∩ Géographie
Aperçu
Mieux théoriser la géographie et mieux prendre en compte les enjeux de science du social dans la modélisation mathématique du spatial. Viser le développement technologique en intelligence spatiale pour proposer aux acteurs sociaux opérationnels des outils permettant de conduire des analyses innovantes sur les géographies.
Mots clefs
Géographie, intelligence spatiale, échelle, métrique, densité, science du social, ville, peuplement, territoire, réseau, états, écoumène, espaces, spatialités, spatial, bilan spatial, eulérien/lagrangien
Coordination
- Bertrand Maury (Mathématiques, Laboratoire de mathématiques d’Orsay (LMO), UMR 8628, CNRS, Université Paris-Saclay)
- Patrick Poncet (Géographie, Laboratoire Médiations, Sorbonne Université)
Financement
- ≈ 1 million d’euros sur 5 ans
Résumé
Depuis ce qu’il est convenu d’appeler « le tournant spatial », à l’entame du troisième millénaire, les sciences sociales ont vu la géographie accroitre son importance en leur sein, à mesure que prenaient de l’importance les problématiques impliquant une compréhension fine de l’espace des sociétés. Ce mouvement s’est articulé autour de sujets clés, dont la centralité semble évidente aujourd’hui pour l’équipe du projet, tels que la ville et l’urbanité, le monde et la mondialisation, le tourisme et les mobilités, l’écologie et l’environnement, le changement climatique et les risques naturels, sans oublier internet et l’avènement d’une communication dont les vitesses ne dépendent plus du déplacement d’objets porteurs d’information. Tous ces champs de recherche font appel à la géographie, une géographie qui s’est renouvelée dans le même temps.
Le projet ciblé GéoMaths se fixe comme objectif de renouveler la relation qu’entretiennent de longue date la géographie et les mathématiques, ceci selon quatre principes directeurs.
- Présenter aux mathématiciennes et mathématiciens cette « nouvelle géographie », qui se pense comme une des dimensions d’une science du social unifiée et post-disciplinaire ;
- Aider les mathématiciennes et mathématiciens à accroître leur niveau de compétence en géographie et en science du social (théories et épistémologies) ;
- Faire se rencontrer directement les concepts les plus avancés des deux domaines, pour ne pas réduire les mathématiques à de simples outils pour les géographes, mais au contraire envisager les correspondances interprétatives entre les concepts des deux « disciplines » ;
- Porter une attention particulière à la médiation entre science et société, qui, dans la « matière sociale », ne se résume pas à de « l’application », ni ne s’exprime en termes « d’acceptabilité », mais doit, pour fonctionner quand elle concerne des systèmes sociaux complexes, tenir compte, dès la conception des modèles et des outils dérivés, des conditions de leur insertion dans les « chaînes de production » du social et de ses espaces, tels que la ville par exemple.
Fort de ces principes, le projet, dont la teneur est nettement exploratoire et qui entend couvrir le plus large spectre de problèmes, s’attachera à déflorer un certain nombre de domaines plus ou moins autonomes, mais qui peuvent être regroupés en trois catégories « géographiques ».
- la question de la description des espaces, c’est-à-dire les structures spatiales produites par les sociétés, plus ou moins pérennes, territoriales ou réticulaires, qui conditionnent notamment les pratiques spatiales, quotidiennes (ville) ou exceptionnelles (tourisme, migration) ; approche que l’on pourrait assimiler en simplifiant beaucoup à une vision cartographique de la géographie
- la question de la description des spatialités, c’est-à-dire les manières qu’ont les acteurs sociaux de vivre et de faire avec le spatial. Un domaine où la question des métriques est centrale
- la question de l’optimisation, sujet délicat en sciences sociales, du fait que les critères de l’optimalité sont dynamiques car eux-mêmes sont des produits de la société, produits combinant souvent, en géographie ou en urbanisme par exemple, des approches pragmatiques issues du « terrain » avec des visions idéalistes, reposant pour une bonne part sur la symbolique des formes — souvent géométriques —, la composante symbolique du social étant une dimension essentielle du social
Après une phase de rencontre et d’acclimatation réciproque entre géographes et mathématiciennes et mathématiciens, période qui sera l’occasion de lancer des recherches en mathématiques, répondant aux défis des géographes, il est envisagé que des travaux « applicatifs » de géographie soient engagés, pour vérifier la pertinence des résultats mathématiques proposés et envisager les modes de valorisation possibles de ces recherches, voire préfigurer ou même réaliser ces applications ou des structures les permettant (logiciels).
- Être en capacité de formaliser mathématiquement les grands concepts de la géographie, étude de la dimension spatiale du social.
- Inscrire cette démarche dans une formalisation mathématique en accord avec l’épistémologie de la science du social (les sciences sociales unifiées), et notamment la notion d’acteur, qui spécifie, dans sa relation avec les objets et les environnements, le spatial comme substance distincte et partiellement autonome du vivant (objet de la biologie) et de la matière (objet de la physique).
- Enrichir la définition des concepts clés de la géographie tels que ceux de lieu, d’espace(s), de spatialités, de distance, d’échelle (spectre scalaire), de métrique, de densité, de diversité, de mixité, de peuplement, d’écoumène, de territoires, de réseaux, de l’habiter, du traverser, de la ville, des centres, des quartiers, des espaces publics, de mobilité et de circulation, de communication, de coprésence, etc.
- Préciser la nature des objets les plus complexes de la géographie, qui sont multiscalaires, multimétriques, plus ou moins fractales, plus ou moins « nets ».
- Développer la technologie de l’intelligence spatiale par la mise au point de techniques et d’outils informatiques (SIG) d’analyse du spatial. En particulier la comparaison de cartes, et plus généralement de géographies, appréhendées via les espaces ou les spatialités.
- Proposer de nouvelles formes cartographiques, via des traitements de données innovants mettant en œuvre les formalismes développés.
- Proposer au public et aux utilisatrices et utilisateurs de terrain des modules de traitements embarquant ces nouvelles approches pour en permettre un usage facile et immédiat, dans des situations concrètes, et sans perte de crédibilité face à la complexité intrinsèque et fondatrice des questions sociales.
- Savoir opérer les simplifications acceptables, en distinguant ce qui est spécifique au social et ne saurait être éliminé des équations et ce qui relève de raffinements analytiques qui peuvent être réintroduits par la suite dans un processus de sophistication des modèles.
- Analyse spectrale de cartes de densité (population, densité du bâti, des services) : transformée de Fourier, transformée en ondelette, analyse multifractale.
- Analyse toplogique des espaces urbains et ruraux : outils de la TDA (Topological Data Analysis), identification de dimension de variétés sous-jacentes, composantes connexes, homologie.
- Graphes et réseaux : construction de graphes abstraits associés aux réseaux de transport, comparaison entre ces différentes réseaux (analyse spectrale discrète, topologie du réseau).
- Conceptualisation des espaces habités comme des espaces métriques mesurés : (métrique du temps mis pour aller effectivement d’un point à l’autre, et mesure associée à la répartition des habitants).
- Comparaison entre ces espaces métriques : propriétés macroscopiques, indicateurs, ou comparaison directe par des outils de type distance de Gromov-Wasserstein (GW). Classification des grandes métropoles selon leur « proximité » au sens GW.
- Transport optimal et distance de Wasserstein : pour estimer par exemple la distance moyenne d’une personne à un lieu de service (médecin, hôpital, supermarché)
- Équations aux dérivées partielles (analyse et résolution numérique) : modèles de type réaction diffusion pour modéliser le mouvement de piétons à grande échelle, en vue d’identifier les zones de rencontres entre les personnes au sein des espaces urbains
- Compréhension des formes et pratiques spatiales le plus à même de favoriser un fonctionnement harmonieux des sociétés.
- Compréhension des processus géographiques complexes, multiscalaires et multimétriques, qui articulent les différents aspects de la vie des sociétés, et notamment au travers de leur rapport à la nature (le monde biophysique appréhendé par les sociétés) et de leur rapport à elles-mêmes (la fonction politique et ses conditions d’existence).
- Compréhension fine des environnements urbains et développement d’outils d’analyse opérationnels pour guider la décision publique, notamment en aménagement et en urbanisme.
- Compréhension des grands enjeux mondiaux, articulant les grands objets/domaines de la géographie : viles, écoumènes, réseaux, états.